[Falaipasledhil] Radeautages

Pyranèse jura en envoyant bringuebaler sa patte sur la figure d’un elfe gringalet qui tomba à la renverse. Elle grimpa sur un amas d’immondices et tenta de localiser cet idiot de Grank’on. Elle aperçut de l’agitation un peu plus loin. Selon la façon dont l’orc envoyait valser sa hache en tout sens, elle en conclut que ce devait être son camarade. Le terrain se remplissait de plus en plus d’elfes qui accouraient à la rescousse, alertés par l’attaque orc.
Pyranèse allait courir rattraper son compagnon bombardé d’elfes quand elle vit arriver sur le côté un assaillant qui fonçait sur elle. Elle se baissa afin de l’éviter et le combattant passa par-dessus elle. Malheureusement, son agilité naturelle ne le fit pas perdre l’équilibre. Il allait s’occuper de couper la tête de la femelle orc, mais celle-ci s’empara de la lame pointée sur elle. Elle banda ses muscles et repoussa l’ennemi au sol, avant de lui planter sa lame en travers du corps.
Soudain un bruit de galop retentit. L’orcesse tourna la tête dans la direction des bruits de sabot et reconnut la cavalière, recouverte d’une cape en toile marron. Elle filait à travers le terrain dans une direction précise. Pyranèse oublia un moment Grank’, son camarade qu’elle poursuivait. Elle lui règlerait son compte plus tard. Elle courut dans la direction de la cavalière à perdre haleine. Dans son élan, elle renversa un assaillant qui tentait de lui barrer la route, le projetant sur une barricade. Pyranèse continua indifféremment sa course. Mais soudain elle s’arrêta, comme prise d’un vif regret. Elle hésita, puis fit demi tour et prit le bougre affalé sur la barricade par le col de sa tunique. Elle le souleva et l’empala sur une des piques de la barricade. Le corps transpercé eut quelques spasmes avant de s’immobiliser. Pyranèse recula, admirative devant son œuvre. Elle arrangea un peu sa position, écarta ses bras, ouvrit grand sa mâchoire, et fut satisfaite du rendu, à la fois apokalyptique et pathétike.
Puis elle courut à nouveau à la poursuite de la cavalière. Il fallait à tout prix qu’elle la retrouve.


______________________________________________________



Coincé entre un groupe d’une demi douzaine d’elfes et une palissade de bois, Grank’on s’affaissa sur celle-ci. Haletant, l’orc avait l’air bien moins gaillard que les quelques heures auparavant, lorsqu’il massacrait les ennemis par paquets de trois. Esquinté, la jambe salement amochée et malmené par la bande d’elfes visiblement énervés qui l’avaient délesté de sa hache, il grogna de sa voix grave et rauque, espérant les faire fuir. Ils n’en firent rien et restèrent silencieusement à le regarder grogner de douleur, jouant de leurs fines épées elfiques devant lui. Dans un élan de fierté, le guerrier orc cogna d’un coup sec sa poitrine bombée et déclama, selon une conjugaison perfectible :
_J’ai me nomme Grank’on, pigé ? Et j’ai venu vous prendre votre oseille. Alors agenoussez-vous. Grumpf…
Une elfette s’esclaffa. Un elfe de sexe masculin, à ce que pouvait en juger l’orc, le toisa avant de répondre d’une voix cristalline :
_Nous sommes les troupes de Bess, et nous ne nous agenouillons devant personne.
_Tu vivrera, si tu t’agenousses, enchaîna stupidement l’orc, espérant intimider l’ennemi et gagner du temps.
_Tu ne sembles pas comprendre ta position…, dit l’elfe en s’approchant.
Mais une roche vint se poser avec la délicatesse d’un jet de catapulte sur la nuque de l’elfe qui bascula en avant. Grank regarda dans la direction du jet et aperçut son vieux camarade Kaput, shaman à ses heures perdues. Ce dernier vint se placer à ses côtés, puis dit à l’elfe au sol en le pointant de sa hache.
_Tu dois avoir des problèmes d’audition. Il a dit ke vous vivrez kand vous trierez les petits pois de nos merdes pour les sucer au dîner…
Le Vieux Shaman tendit le bras vers son camarade blessé afin de l’aider à se relever. Malgré ce signe de camaraderie, le vieil orc ne paraissait pas tout à fait enchanté de retrouver Grank’on… Il le toisa même d’un regard lourd de reproches…

Pyranèse courrait toujours à travers le champ de bataille. Elle avait perdu de vue la cavalière mais savait instinctivement où elle serait. Aussi se dirigea-t-elle à vive allure vers un grand Telhin élevé à proximité. Le bâtiment était gardé par quelques scouts qui défendaient l’entrée contre leurs assaillants. Elle s’arrêta à quelques pas de la bâtisse en reconnaissant la monture effrayée, abandonnée par la cavalière. L’orcesse n’eut pas le temps de se poser de question. Un elfe sautait déjà sur elle, une dague pointée sur son cou. Pyranèse entrava la lame avec son bras. Celui-ci fut légèrement entaillé. Cette outrageuse maladresse fut vite oubliée une fois que la femelle orc eut botté le cul de l’elfe et enfoncé sa dague où elle le pensait.
En relevant son attention vers le Telhin, elle constata que la monture avait disparu. Elle vit non loin d’elle la cavalière, montée à nouveau sur la jument, qui s’éloignait du bâtiment au galop, avant de s’arrêter et de regarder en arrière. Sans attendre, Pyranèse courut vers elle. Lorsqu’elle l’atteignit enfin, un grand fracas résonna et un nuage de flammes envahit le Telhin saboté. Sous son capuchon de toile, le visage de la cavalière sourit de contentement :
_Bon… Ca, c’est fait.
Puis elle remarqua la présence de la jeune orc rousse :
_Ah… Pyranèse ?
_Chèffe ? demanda l’orc à son tour.
La cavalière abaissa le capuchon qui lui bouchait la vue, révélant son visage de demi-elfe et scrutant Pyranèse.
_Oui, c’est moi Sanaga. Peux-tu me dire où est cet avorton de Grank’on et ce qu’il fiche ?
L’orcesse hocha affirmativement la tête et Sanaga l’invita à monter sur sa monture en lui tendant la main. Ce fut malheureusement elle qui faillit être emportée à terre par le poids de l’orc, qu’elle avait sous-estimé. En s’y reprenant à plusieurs fois, elles purent enfin se tenir à deux sur le cheval et virèrent en avant, à travers le champ de bataille. Au passage, quelques elfes levèrent les yeux, se demandant ce qu’une orc et une elfe pouvaient bien faire sur le même cheval.

________________________________________________________




Les hostilités étaient à deux doigts de commencer, entre le groupe d’elfes et les deux orcs. Grank avait un mal fou à se tenir debout, et Kaput faisait de vifs mouvements en tenant sa hache, tenant le groupe d’elfes à l’écart.
_Bon… Je vais faire un peu de bruit avec vos crânes…
Une elfe ricana aux mots du vieil orc, et une demi seconde plus tard, sa lame avait entaillé le bras du shaman, l’obligeant à lâcher sa hache. Elle allait continuer à l’assaillir de coups lorsqu’une voix retentit derrière le groupe.
_STOP !
Tandis que l’elfe gardait le vieil orc en joue, les autres purent voir arriver une demi-elfe, qui se fraya un chemin vers l’avant. Ses oreilles étaient un peu pointues, mais sa peau n’était pas verte. Aussi, d’un commun accord, ils décidèrent en leur for intérieur qu’elle était des leurs.
Calmement, la nouvelle venue, qui portait une cape de toile brune, s’avança vers le vieil orc et se saisit doucement de l’épée que l’elfette tenait en déclamant :
_Je m’en occupe.
L’elfette laissa l’inconnue se saisir de son arme et attendit.
Une fois qu’elle se fut saisit de l’arme, Sanaga regarda le shaman et sa blessure au bras. Puis d’un brusque demi-tour, elle frappa l’elfette avec la garde de l’épée. Celle-ci tituba en arrière et se récria :
_Heh :’( c’est mal poli de frapper les filles
_C’est moins poli de frapper mes amis , rétorqua la demi elfe.
Tout le groupe elfique se mit en garde tel un seul homme. À nouveau derrière eux un grognement se fit entendre. Pyranèse était survenue à son tour et faisait bruyamment s’entrechoquer ses phalanges d’un air provocateur :
_Ouaip, on va vous rakler le groin, bande de saintes nitouche
Un grand elfe lui fit face :
_ C’est folie, nous sommes plus nombreux que vous.
Juste à ce moment, un cor retentit au loin. Sanaga se décrispa avec soulagement ; les renforts arrivaient. Pyranèse cracha au sol devant l’elfe :
_Et pourkoi pas ? Puiske nous sommes plus forts, et ke dans trois minutes, tes gonades auront pris la place de tes amygdales ?

Une heure plus tard, ils avançaient tous les quatre, loin du champ de bataille. Grank’on, grognant de douleur, était porté sur les épaules de Kaput, flanqué de Pyranèse et Sanaga. Les renforts avaient réussi à prendre le dessus sur les unités de Bess et la situation semblait meilleure pour les alliés. Ils se dirigèrent vers une hutte abandonnée, espérant y faire une halte et soigner la blessure de Grank qui s’était gravement infectée. Pour que celui-ci supporte sa douleur, Sanaga lui avait fait inhaler une mixture d’Herbes à Pipe. Cette mixture faisait autant d’effet sur la douleur qu’il était dévastateur pour les neurones du pauvre orc, déjà pas bien gâté par les dieux. Mais cela devait être temporaire, et, si l’orc ne gémissait plus, il chantait de temps en temps entre deux crises de délire une mélopée typiquement orc.
« Kiiiadu ka kakaki kollllé okuk…. » l’orc chantait encore lorsqu’ils pénétrèrent sous la hutte et l’installèrent sur une couche de fortune., Le vieux shaman alla ensuite chercher de quoi préparer l’amputation. Le moyen était certes radical mais ils n’avaient pas de quoi le soigner et comptaient repartir le plus tôt possible. Et Sanaga ne tolèrerait aucun contretemps.

____________________________________________________________


Grank’ se redressa subitement sur la couche en beuglant « Un kochon… un kochon !!! Un kochon sur un cheval, un kochon sur un che… » . Mais lorsque qu’il aperçut à ses pieds le shaman immobile, concentré, tenant une hachette au dessus de sa jambe, un éclair de lucidité passa en lui, et la folie laissa place à la terreur dans ses yeux écarquillés d’horreur. Il cria des ‘non’ et des ‘pas ça’, commençant à s’agiter un peu trop au goût du shaman. Pyranèse maintint le buste de l’orc allongé tandis que Sanaga s’assit sur les jambes de celui-ci. Lorsque la hache s’abattit sur la jambe, Grank’ hurla et sa tête retomba inanimée. Kaput n’avait réussi qu’à fracturer le tibia. Il leva la hachette à nouveau et visa. Malheureusement sa vision amoindrie par l’âge le fit fracasser l’os un peu plus haut. Le blessé s’éveilla à nouveau en hurlant au diable. Il écuma sa rage et sa douleur. Pyranèse le fit taire à nouveau en lui envoyant son poing dans la figure, lui faisant perdre connaissance. Le vieil orc jura, frappa à nouveau et réussit à arracher la jambe en tirant sur les chaires restantes.

_____________________________________________________________

_Hummm…. Il est bon ce ragoût, il y a koi komme viande dedans ?
La femelle orc détourna le regard avec une certaine gêne, se demandant si elle devait vraiment lui dire d’où provenait cette viande. Avec ses talents de sculpteuse de chaire et la jambe d’orc arrachée, elle aurait bien fabriqué un nouvel Eluros de son cru, mais le shaman en avait décidé autrement, prétextant que cet abruti aurait besoin de reprendre des forces.
Sanaga entra dans la hutte à ce moment. Une mise au point s’imposait et elle allait demander des explications sur la désertisation de Grank’ et ses troupes. La demi elfe s’assit silencieusement, croisa les bras et attendit. Pyranèse se gratta le bas du dos. Kaput était assis en tailleur et remuait le ragoût en s’appliquant à leur tourner le dos. Grank’ avait le nez plongé dans sa pitance et ne semblait pas décidé de refaire surface. Aussi la femelle essaya de s’expliquer :
_C’est la faute à Grank’….
_....
_Il était énervé et il a dit k’il partirait kasser de l’elfe, ke ça plaise ou non.
_....
_Alors il a envoyé toutes nos troupes là bas… J’ai essayé de l’en empêcher, et Kaput aussi, mais…
_Mais encore ?
_huh ?
_Ou est passé mon or ? Où sont mes espions ? Qu’est-t-il advenu des autres sujets ?
Grank’ leva enfin les yeux et déclara, sans malaise, comme fier de lui :
_L’or on l’a envoyé en lieux sûr. Les scribes et tout ça, on leur a dit de prendre leurs boukins inutiles et de se kasser avek les karavanes. Et les espions bah, ils sont partis saboter un peu partout.
_Bien… dit simplement la demi-elfe d’une voix calme et détachée.
_Euh… chèffe, vous êtes fâchée ?
À contre-jour, ils n’avaient pas vraiment pu voir l’expression de la demi-elfe et semblaient craindre des représailles qui n’arrivaient pas. Sanaga se relava lentement, semblant réfléchir :
_C’était un bordel innommable, inouï, total… Bon sang ! dit-elle en tournant un visage tout sourire, c’était gigantesque ! Du grand n’importe quoi ! C’était fantastique, j’ai adoré, bon dieu. C’était vraiment immense ! On a encore été poutrés en beauté les amis. J’en veux encore !
_Grumpf, chèffe, vous radeautez… grogna le shaman.
_Ah… qu’importe ! :d préparez-vous vite, on remet ça. Et que ça saute !
Puis elle sortit préparer le radeau. Pyranèse vint après elle pour l’aider. En sortant, elle entendit sous la hutte la voix de Grank’ qui demandait
_Euh… Je peux avoir enkore un peu de ce ragoût ?